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Fiscal,Patrimoine

Donations - Successions

La saga du (non) droit de partage lors de l’exercice du préciput par le conjoint survivant

Un nouveau jugement du tribunal judiciaire de Lille confirme que les prélèvements effectués par le conjoint survivant sur les biens communs, au titre du préciput, échappent au droit de partage.

Les époux mariés sous un régime communautaire peuvent stipuler dans leur contrat de mariage que le survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, sera autorisé à prélever sur les biens communs, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce donnée de biens (c. civ. art 1515).

Regardée non pas comme une donation mais comme une convention de mariage, la question se pose, sur le plan fiscal, de savoir si l’exercice de ce préciput rend exigible le droit de partage (CGI art. 746).

Après plusieurs jugements des tribunaux judiciaires (TJ Niort 24 janvier 2022, n° 20-01453 et TJ Lille 4 avril 2022, n° 20-03477) et une décision de la Cour d’appel (CA Poitiers 4 juillet 2023, n° 22-01034) écartant l’application du droit de partage, un nouveau jugement du tribunal judiciaire de Lille confirme cette position.

En l’espèce, au décès de son épouse, Monsieur avait exercé un prélèvement sur plusieurs biens de la communauté conformément à la clause de préciput insérée dans le contrat de mariage des époux. L’administration fiscale lui a réclamé la somme de 16 651 € au titre du droit de partage.

L’époux a alors fait assigner l’administration devant le tribunal judiciaire qui a prononcé la décharge des impositions réclamées en l’absence d’opération de partage entraînant des attributions privatives.

En effet, selon les juges, le préciput a pour effet de permettre au conjoint survivant de prélever des biens communs avant tout partage, biens communs qui sont réputés lui avoir appartenu dès la dissolution de la communauté et ce, sans surtout que cette attribution ne s’impute sur ses droits dans le cadre d’un éventuel partage ultérieur. Les biens ainsi prélevés ne feront plus partie de la masse successorale à partager. Ainsi, l’exercice de la clause de préciput n’a pas une fonction d’allotissement entre plusieurs coindivisaires. Il importe peu qu’elle entraine un effet juridique du partage, par lequel le conjoint survivant est réputé avoir été seul propriétaire depuis l’origine, puisque pour le reste, elle n’en a pas les attributs.

Pour aller plus loin :

« Donations - Successions », RF 2023-6, § 1810

TJ Lille 9 février 2024, n° 22-03013