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Plus-values des particuliers

Apport de titres avant 2017 : exemple de soulte inférieure à 10 % jugée abusive

Pour les apports de titres réalisés avant 2017 et rémunérés pour partie au moyen d'une soulte n'excédant pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus, l'administration est fondée à remettre en cause le bénéfice du report d'imposition de l'article 150-0 B ter du CGI appliqué au montant de la soulte s'il s'avère que celle-ci ne présente pas d'intérêt économique pour la société bénéficiaire de l'apport et est motivé par la seule volonté de l'apporteur d'échapper en tout ou partie à l'impôt.

L’apport de titres par une personne physique constitue, en principe, un fait générateur d’imposition des plus-values des particuliers (CGI art. 150-0 A). Toutefois, certains apports de titres à des sociétés IS assimilés à des restructurations d’entreprises peuvent bénéficier d’un différé d’imposition (sursis ou report d’imposition) (CGI art. 150-0 B et 150-0 B ter).

Pour les apports réalisés avant 2017 pour partie par une remise de titres de la société bénéficiaire et pour partie par le versement d’une soulte, cette soulte ne remet pas en cause le sursis ou le report d’imposition qui s’applique intégralement à la plus-value d’apport, y compris pour la soulte appréhendée par le contribuable sous réserve qu’elle n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus (CGI art. 150-0 B et 150-0 B ter dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2017).

Toutefois, pour ces opérations, l’administration s’est réservée la possibilité, dans le cadre de la procédure de l’abus de droit fiscal, d’imposer la soulte inférieure à 10 % lorsqu’il apparaît que celle-ci était dépourvue d’intérêt économique pour la société bénéficiaire et avait eu pour seul objectif une appréhension de liquidités en franchise d’impôt pour l’apporteur, contraire à l’intention du législateur qui est de faciliter les opérations de restructurations d’entreprises.

L’affaire soumise à la cour administrative d’appel de Lyon en est une nouvelle illustration.

En l’espèce, le contribuable avait fait apport, à une holding dont il était unique associé, de plusieurs parts détenues dans deux SAS en contrepartie desquelles il avait reçu des actions de la société bénéficiaire et deux soultes, l’une de 389 800 € et l’autre de 120 000 €. Les plus-values réalisées et les soultes perçues à l’occasion de cette opération ont été placées en report d’imposition obligatoire (CGI art. 150-0 B ter).

À l’issue d’un contrôle sur pièces, l’administration, ayant estimé que le versement des soultes était constitutif d’un abus de droit, a remis en cause le bénéfice du report d’imposition pour ces seules soultes alors imposées en revenus de capitaux mobiliers. Pour la Cour administrative d’appel, il ressort de l’instruction que les soultes mises à disposition de l'apporteur par inscription au crédit de son compte courant dans les livres de la société bénéficiaire avaient été rapidement remboursées et appréhendées au moyen de distributions de dividendes par les sociétés dont les titres avaient été apportés permettant au contribuable d’appréhender des liquidités substantielles en franchise d’impôt au détriment de la société bénéficiaire.

Les arguments du contribuable selon lesquels l’opération d’apport s’inscrivait dans une stratégie destinée à renforcer la pérennité du groupe et à organiser la transmission de sa gouvernance familiale, l’émission de soulte ayant eu un effet antidilutif à terme pour l’entrée de nouveaux associés par suite des donations consenties à sa fille unique, ne sont pas de nature à démontrer que le versement des soultes litigieuses présentait un intérêt économique pour la société bénéficiaire de l’apport.

À noter : Pour les opérations réalisées depuis 2017, le législateur a prévu l’imposition immédiate des plus-values d’apport à concurrence du montant des soultes reçues inférieures ou égales à 10 % de la valeur nominale des titres reçus (CGI art. 150-0 B, al. 3 et 150-0 B ter, I.al. 2). Lorsque le montant de la soulte est supérieur à 10 %, la totalité de la plus-value est immédiatement imposable.

Pour aller plus loin :

« Titres de sociétés et instruments financiers : quelle fiscalité ? », RF 2021-5, 7318

CAA Lyon 5 mai 2022, n° 20LY01202

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