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Autorisation préalable de changement d’usage pour les meublés de tourisme : la réglementation française est conforme au droit de l’UE

La réglementation française qui soumet, dans certaines communes, à autorisation la location, de manière répétée, d’un local destiné à l’habitation pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile est conforme au droit de l’Union européenne.

Dans les communes de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne, le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courte durée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois constitue un changement d'usage soumis à autorisation administrative préalable (c. constr. et hab. art. L. 631-7, al. 6).

Faute d’autorisation préalable, le propriétaire s’expose à une amende maximale de 50 000 € versée à la commune par local irrégulièrement transformé (c. constr. et hab. art. L. 651-2). Outre l’amende, le contrevenant risque également une astreinte (jusqu’à 1000 € par jour et par mètre carré utile) s’il ne redonne pas au local son usage initial d’habitation.

En l’espèce, deux sociétés ont été condamnées à une amende au profit de la Ville de Paris et astreintes au retour du local à un usage d’habitation pour avoir proposé, sur un site internet, la location, de manière répétée, de studios leur appartenant pour une courte durée à l’usage d’une clientèle de passage sans requérir, au préalable, l’autorisation de changement d’usage auprès des autorités locales.

Dans leur pourvoi en cassation, les sociétés propriétaires des studios ont invoqué le principe de primauté du droit de l’Union européenne qui interdit toute restriction à la libre prestation de service dès lors qu’elle n’est pas justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur). Selon les loueurs, les critères posés pour l’autorisation préalable qui ne font pas référence à des seuils chiffrés mais fondés sur des notions de « répétition », de « courte durée » et de « clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » ne seraient pas suffisamment clairs et précis au vu de l'article 10 de la Directive relatifs aux conditions d’octroi d’un régime d’autorisation.

Les questions soulevées, dont dépendait le pourvoi, ont justifié la saisine de la Cour de Justice de l’Union Européenne (cass. civ., 1re ch., 15 novembre 2018, n°17-26156). Dans son arrêt rendu le 22 septembre 2020, la CJUE énonce que :

-la réglementation nationale qui soumet la location de biens meublés pour de courtes durées à une autorisation délivrée par le maire concerné relève du champ d’application de la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur, une telle activité répondant à la notion de « service » au sens de l’article 4, point 1 ;

-la mise en place d’un régime d’autorisation pour ce type de services vise notamment à lutter contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée à des prix abordables, ce qui constitue une raison impérieuse d’intérêt général ;

-enfin, cette réglementation est proportionnée aux objectifs d’intérêt général poursuivis dans la mesure où elle est matériellement circonscrite à une activité spécifique de location qui exclut de son champ d’application les logements qui constituent la résidence principale du loueur et qu’elle est géographiquement limitée. Par ailleurs, la réglementation nationale prévoit la faculté d’assortir l’octroi de l’autorisation sollicitée d’une obligation de compensation sous la forme d’une transformation concomitante en habitation de logements ayant un autre usage, dont le quantum est défini par le conseil municipal.

Il appartient désormais à la Cour de cassation de résoudre l’affaire conformément à la décision de la CJUE.

CJUE, 22 septembre 2020, n°s C-724/18 et C-727/18

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