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Démembrement de propriété : quelle imposition en matière d'IFI ?

Innovation centrale par rapport à l’ISF : les biens recueillis en usufruit par le conjoint survivant en application de dispositions légales feront désormais l’objet d’une imposition répartie entre l’usufruitier et les enfants nus-propriétaires.

Tout en réduisant l’assiette de l’impôt sur la fortune au seul patrimoine immobilier (biens fonciers et titres de sociétés immobilières), le législateur a modifié les règles d’imposition pour les démembrements résultant de l’usufruit légal du conjoint survivant.

Qui est imposable ?

Les règles en la matière sont fixées par le nouvel article 968 du CGI.

Principe : imposition du bien au nom du seul usufruitier

En principe, les biens dont la propriété est démembrée (ou grevés d’un simple droit d’usage ou d’habitation) sont imposables à l’IFI pour leur valeur en pleine propriété au nom du seul usufruitier. Bien entendu, un usufruitier dont l’usufruit n’est que partiel ne doit comprendre dans son patrimoine taxable que la seule fraction de la valeur en pleine propriété du bien correspondant à sa propre quote-part d’usufruit, la fraction restante étant, quant à elle, imposable au nom des personnes possédant le solde d’usufruit. Cette règle vaut aussi bien pour les usufruits temporaires que pour les usufruits viagers. Ainsi, des parents qui ont fait donation à un de leurs enfants de l’usufruit d’un bien immobilier leur appartenant pour une durée de 10 ans cessent, pendant la période considérée, d’avoir à le déclarer à l’IFI.

Exceptions : imposition du bien répartie entre l’usufruitier et le ou les nu(s)-propriétaire(s)

Comme en matière d’ISF, une imposition répartie est prévue dans 3 hypothèses. Les biens grevés de l'usufruit ou du droit d'usage ou d'habitation sont compris respectivement dans les patrimoines de l'usufruitier ou du nu-propriétaire suivant les proportions fixées par l'article 669 du CGI et à condition, pour l'usufruit, que le droit constitué ne soit ni vendu, ni cédé à titre gratuit par son titulaire lorsque :

-le démembrement de propriété résulte de la vente d'un bien dont le vendeur s'est réservé l'usufruit, le droit d'usage ou d'habitation (sauf si cette vente a été effectuée par le cédant à l’un de ses descendants, héritiers, légataires ou donataires) ;

-l'usufruit ou le droit d'usage ou d'habitation a été réservé par le donateur d'un bien ayant fait l'objet d'un don ou legs à l'État, à un département, à une commune ou à un syndicat de communes et à leurs établissements publics, à un établissement public national à caractère administratif et à une association reconnue d'utilité publique ;

-la constitution de l’usufruit résulte d’un démembrement d’origine successorale.

Démembrements d’origine successorale : distinguer l’usufruit légal de l’usufruit conventionnel

Dans le cadre de l’ISF, l’usufruitier était imposé sur la seule valeur de l’usufruit, et le nu-propriétaire, sur celle de la nue-propriété, lorsque de démembrement résulte :

-de l’application de l’ancien article 767 du code civil (usufruit légal du quart du conjoint survivant pour les décès survenus avant le 1er juillet 2002) ;

-de l’usufruit recueilli par les ascendants en présence du conjoint survivant pour les successions ouvertes avant 2007 (c. civ. art. 1094) ;

-ou de la faculté, pour les enfants d’un premier lit, de substituer à l’exécution de la libéralité en toute propriété, des droits en usufruit (c. civ. art. 1098).

Si dans le cadre de l’IFI ces 3 hypothèses d’imposition répartie entre l’usufruitier et le nu-propriétaire sont reprises, il est prévu un cas supplémentaire. En faisant désormais référence à l’article 757 du code civil (usufruit légal du conjoint survivant pour les successions ouvertes à compter du 1er juillet 2002), l’article 968 du CGI fait bénéficier l’usufruit légal du conjoint survivant de l’imposition répartie.

Ainsi, pour les successions ouvertes à compter du 1er juillet 2002, l'IFI s'appliquera au prorata des répartitions de valeur entre usufruit et nue-propriété déterminée par l'article 669 du CGI. Le nu-propriétaire deviendra donc imposable, ce qui n'était pas le cas avec l'ISF. La règle de répartition entre l'usufruitier et le nu-propriétaire en vertu des dispositions de l'article 757 du code civil, s'applique quelle que soit la date du décès. Le Conseil constitutionnel a, en effet, censuré la disposition de la loi de finances pour 2018 qui visait à limiter l’application des nouvelles règles aux seuls démembrements constitués à compter du 1er janvier 2018.

Notons que si en vertu des nouvelles dispositions, le conjoint survivant usufruitier légal (c. civ. art. 757) bénéficie de l'imposition répartie quelle que soit la date du décès, en pratique, pour les usufruits légaux nés d'un décès survenu entre le 1er juillet 2002 et le 31 décembre 2017, le conjoint survivant a été imposé à l'ISF sur la pleine propriété en application de l'article 885 G du CGI désormais abrogé.

Comme en matière d’ISF, l’usufruit conventionnel reste expressément exclu de l’imposition répartie au titre de l'IFI. Si l’époux hérite en vertu de dispositions testamentaires ou d’une donation au dernier vivant, il sera redevable de l’IFI sur la valeur en pleine propriété du bien, l’article 1094-1 du code civil est, en effet, exclu par l’article 968 du CGI.

Quelle valeur déclarer ?

Selon la Cour de cassation, aucun abattement ne peut être appliqué à la valeur vénale du bien pour tenir compte du démembrement de propriété. En revanche, les autres circonstances de fait ou de droit affectant la valeur du bien peuvent justifier l’application d’une décote. Il en va tout particulièrement ainsi de l’existence d’une indivision sur la nue-propriété (cass. com. 27 octobre 2009, n°08-11362), de l’occupation du bien à titre de résidence principale par le redevable de l’impôt, qu’il s’agisse de l’usufruitier ou du nu-propriétaire, ou de l’occupation du bien par un locataire.

Quid du passif afférent aux droits démembrés ?

Les dettes contractées par un redevable de l’IFI ne peuvent être déduites de son patrimoine taxable que pour autant qu’elles se rapportent à des biens ou droits pris en compte pour le calcul de l’IFI dû par l’intéressé et uniquement à proportion de la valeur imposable de ces biens ou droits (CGI art. 974).

Ainsi, dans le cas où le bien dont la propriété est démembrée est imposable pour sa valeur totale au nom de l’usufruitier (exemple : usufruit recueilli par le conjoint survivant en exécution d’une donation entre époux ou de dispositions testamentaires en sa faveur, et non pas en exécution des dispositions légales), le ou les nu(s)-propriétaire(s) ne sont en principe autorisés à déduire aucune des dettes contractées pour l’acquisition de leurs droits. Dans le cadre de sa doctrine en matière d’ISF, l’administration reconnaît en pareille situation aux nus-propriétaires la possibilité de déduire le montant des droits de succession encore en instance de paiement au 1er janvier de l’année d’imposition ainsi que le montant des droits de succession pour lesquels le bénéfice du paiement différé a été demandé (rép. Philibert n° 31418, JO 22 avril 1996, AN quest. p. 2193 ; BOFiP-PAT-ISF-30-60-10-§ 220-12/08/2015). Dans la mesure où elle se fonde sur le caractère «légal » - et non pas contractuel - des dettes concernées, cette doctrine paraît susceptible d’être reconduite dans le cadre de l’IFI.

En cas d’imposition séparée de l’usufruitier et du nu-propriétaire, le nu-propriétaire conserve la faculté de déduire les dettes qui se rapportent à la nue-propriété.

loi 2017-1837 du 30 décembre 2017, art. 31, JO du 31, texte 2

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